Ultra Tour du Beaufortain

Laissez-moi vous raconter cette petite histoire, cette histoire qui débute sous une nuit étoilée très calme et s’achève dans un déluge infernal et des orages fracassants…
De Queige, où nous étions frais, secs et super motivés, au Col du Joly où la mine défaite des mauvais jours achèvera tristement cette balade de 80km dans le massif du Beaufortain…


Queige, 22 juillet 2017, nous participons à l’Ultra Tour du Beaufortain.
Je suis sur le solo 105km / 6400d+, Vanessa en relais avec (mini)Franck. 523 participants en solo, 45 équipes en relais.

Il me semble évident que j’accompagnerai Vanessa sur son relais, pour terminer en roue libre sur la seconde moitié du parcours.
Nous nous engageons donc sur «le tour pour rien» à 4h du matin autour du plan d’eau, lieu de départ de la course.
Musique entraînante, supporters venus en nombre et équipés de bâtons lumineux accompagnent notre lent départ vers la première ascension de la journée. Rien de moins que 13km de grimpette et 1800D+ en guise de mise en jambes ^^
Je m’aperçois au bout de 15min que j’ai déjà trop chaud ! Je vire donc immédiatement mon k-way espérant ne plus le sortir avant longtemps.. Mais ce n’est pas exactement le programme attendu pour la journée. En fin d’après-midi, puis toute la nuit, pluie, orage et grêle au menu.
Nous partons tellement tranquilles que je me rends compte qu’il n’y a environ que 25 personnes derrière nous. Départ plus que prudent 🙂

Premier pointage de la journée au gîte de Molliessoulaz, scan du QR Code de nos dossards avec les GSM des bénévoles, système qui s’avèrera un peu pénible tout au long de la journée étant donné qu’il ne semble pas encore spécialement au point.
4.4km – 451è, 56’ de course. Sur les 523 inscrits, il y a donc environ une quarantaine d’absents…

Aux petites lueurs du jour, mon estomac me rappelle que je ne suis pas encore passé par la case «grosse commission». C’est donc dans un petit coin planqué que j’improvise cette périlleuse mission.
Une fois mon affaire faite, je regagne le chemin où je me retrouve pour la première fois de ma vie.. dernier de la course (!). Sensation étrange.
Je remonte rapidement la vingtaine de concurrents qui me séparent de Vanessa et je lui emboîte de nouveau le pas.
Cette longue montée de 13km se termine au Col des Lacs, à 2248m d’altitude. Je prends mon temps et une large pause pour satisfaire un besoin naturel et profiter du paysage.

Le ravitaillement n’est plus qu’à quelques encablures, au refuge des Arolles.
Ravitaillement largement fourni et varié. Très appréciable.
17.8km – 445è, 4h24 de course. Pas d’évolution dans le classement, nous sommes restés, depuis le départ, toujours entourés des mêmes personnes. Nous avons par ailleurs 1h d’avance sur la barrière horaire. A l’aise !
Il reste 9km avant de voir mes parents et nos enfants, au Lac St-Guérin.
Montée facile vers le Col des Bonnets Rouges (il me semblait d’ailleurs que le Trail Frison Roche couru l’an passé passait par là, mais je ne reconnais pas vraiment)
Ensuite, tout schuss vers le lac ! La large piste laisse rapidement place à de petits sentiers qui deviennent même très techniques, entre rochers et ruisseaux.
Vanessa confirme ses très bonnes aptitudes en descente en n’hésitant pas à me suivre aisément dans ce qui s’apparente, pour la grande majorité des coureurs, au parcours du combattant.

Nous sommes accueillis en bas par Pascale et Gontran, qui nous annoncent que nos amis de Madres, Seb et JF sont passés respectivement 20’ et 10’ avant nous. Je suis étonné, je m’imaginais qu’ils étaient bien plus loin. Cédric, nous l’avons dépassé au bout de 5h de course, peu de temps après le refuge des Arolles.

Lac de Saint-Guérin, 27.2km – 395è, 6h12 de course.
50 personnes de doublées depuis le précédent ravitaillement, c’est tout bon !
Nous apercevons nos parents, puis Eytan, et enfin Emely dans sa poussette, c’est tellement appréciable 🙂

Une pause d’une dizaine de minutes et nous repartons vers l’ascension du Col du Coin et du Col du Grand Fond. Mais avant, c’est le Cormet d’Arêches où Franck, le relayeur de Vanessa nous attend, et c’est une bonne surprise, car nous n’étions pas au courant.
On se pose à l’extérieur de la tente, après un ravitaillement toujours aussi top, et sous un soleil radieux. 31.7km – 415è, 7h29 de course.
Quelques places perdues lors de notre arrêt au lac mais encore 50’ d’avance sur la barrière horaire fixée à 8h20 ici.

La Pierra Menta est en vue, mais avant de l’atteindre, il faudra franchir le Passeur de la Mintaz ; il faut mériter le point de vue là-haut, la montée est très raide sur la fin.
Vanessa commence à s’inquiéter de la barrière horaire, car, même si nous étions plutôt larges en début de journée sur les premières barrières, nous ne serons plus qu’à environ 30’ d’avance sur la prochaine…
Finalement, une fois le passeur franchi, puis les cordes maîtrisées de l’autre côté, nous sommes pointés au col de Bresson en 9h42, 38’ d’avance sur la barrière, ça continue.
Si j’avais senti que nous n’aurions pas passé une barrière horaire, j’avais convenu avec Vanessa avant la course que j’aurais tracé pour me permettre de poursuivre ma course. Mais pas de problème pour le moment.

Ravitaillement au refuge de Presset. La vue est superbe !
Le Danois croisé à plusieurs reprises a dû correctement se crasher après le passeur, étant donné que son collant a un ENORME trou au cul ! A moins qu’il n’ait abusé des pruneaux proposés aux ravitos ( ??). Il nous a bien fait rire en attendant..
39.3km – 395è, 9h55 de course. Un dernier col à franchir, celui du Grand Fond, et c’est descente finale vers la ligne d’arrivée pour Vanessa, après 7km de descente. Autant dire que l’objectif pour Vanessa est quasi rempli.

La descente est très caillouteuse au départ puis, au fur et à mesure que nous descendons, nous pouvons plus facilement dérouler. Je discute avec des randonneurs qui redescendent du même endroit que nous après qu’un de leurs potes ait perdu une semelle lors de cette marche. Il m’a rappelé Pithiviers dans la 7ème compagnie ! Il avait rafistolé sa godasse avec une espèce de tissu, et, avec sa tête d’ahuri, la scène m’a fait grandement marrer !

Cormet de Roselend, 47km (j’ai 49.7km à ma montre), 388è – 11h46 de course.
Vanessa termine son relais à la 38è place et passe son ruban rouge à Franck qui va assurer la seconde partie du parcours. JF et Seb sont là eux aussi, JF a un coup de mou.

J’hésite à changer de baskets, ce que je ne fais pas au final étant donné que ma chevillère ne me gêne aucunement. Je change de t-shirt, je vire ma casquette pensant (bêtement) que puisque de toute façon il va pleuvoir, elle ne me servira plus. Et je tente de brancher ma montre sur mon chargeur autonome, ce que je ne parviens pas à faire, ça ne fonctionne pas. Vanessa essaie, Franck également, il essaie avec le sien.. Rien à faire, ça m’énerve, ma montre va tomber en rade et ça va me perturber, c’est sûr, de ne pas savoir où j’en suis…

Je me résigne et nous partons avec Franck après avoir salué toute la petite famille.
Après 500m, un flash.. Je n’ai pas pris mon k-way.. Je réfléchis, je repense au contenu de mon sac, non définitivement, je n’ai pas de k-way, alors qu’ils annoncent depuis hier des conditions météo très mauvaises en fin d’après-midi et dans la nuit. Pas possible de continuer, je m’arrête, je le dis à Franck.
Est-ce déjà trop tard pour faire demi-tour ? Pas de réseau, on ne peut pas appeler. Tant pis pour moi, j’enrage intérieurement, mais l’épisode de la montre m’a tellement pris la tête que j’ai oublié les essentiels. Pffff
Je ne dis rien à Franck, mais très clairement, intérieurement, je sens que j’ai mes preuves à faire pour ne pas décevoir ce finisher UTMB ou Diagonale des Fous, entre autres, qui a pris la décision de faire course commune avec moi. Après une première partie «sur la réserve» (et encore hein !), je dois, tant que je peux le faire, augmenter la cadence.

Nous rattrapons JF et Seb qui sont partis quelques minutes avant nous. Ils restent au contact dans la montée.

Tunnel du Roc du Vent, 51.4km, 345è – 12h57 de course.
Avec certains passages à maximum 1m70 de hauteur, nous sommes vigilants pour éviter le coup de boule à l’issue évidente… A la sortie de ce tunnel éclairé pour l’occasion (ou en permanence ?), c’est littéralement à couper le souffle, je n’avais jamais pu admirer un panorama aussi incroyable lors d’une sortie en montagne. Vue époustouflante sur les lacs de Roselend et de la Gittaz.
Chemin panoramique en balcon avant la montée vers le Col de la Sauce (ou de la Lauze ? Informations contradictoires entre les infos données sur le site de la course et la carte IGN !)… C’est vraiment indescriptible. Ce qui l’est plus par contre, c’est l’état du ciel qui ne cesse de se dégrader. Avec Franck, on se dit qu’il vaut mieux passer la crête des Gittes (km 55) avant la pluie. On presse donc le pas dans la montée du Col au terme de laquelle je suis pointé 325è.

La fameuse crête est passée sous les premières gouttes, nous continuons néanmoins sans nous changer (de toutes façons, je n’ai pas de vêtement de pluie, ahahah..)
Coup d’accélérateur encore dans la descente vers le Refuge de la Croix du Bonhomme où on dépose littéralement des types qui n’hésitent pas, pour la plupart (ce qui sous-entend que des gros balourds ne le font pas !!! Grrr !), à s’écarter.
57.6km – 308è, 14h16 de course. Pas de ravitaillement ici mais une bonne bassine de flotte dans laquelle on peut y plonger une carafe pour remplir son camelbak. C’est original !

Après ce refuge, c’est quasi que de la descente jusqu’au ravitaillement.
La pluie s’intensifie, nous nous arrêtons cette fois, Franck enfile un vêtement de pluie, et moi.. un t-shirt à manches longues, c’est mieux que rien !
En plus de la pluie, ce sont les orages qui grondent cette fois.. Et pendant près de 10minutes.. de la grêle ! Ca devient vraiment difficile maintenant, sans compter sur la descente qui demande une attention de tous les instants. Plus encore, sur le «chemin du curé» où il faut bien serrer à gauche, comme l’indique le panneau, si on ne veut pas basculer dans cette gorge impressionnante. Malgré les conditions, nous immortalisons ce passage si particulier, creusé dans la roche.

Peu de temps avant le ravitaillement tant attendu, nous voyons débouler des coureurs au loin sur la gauche. Se seraient-ils égarés ? Pourtant le balisage est très clair..
Je comprends alors que ce sont des personnes ayant été déviées sur un parcours de contournement de la crête évoquée plus tôt, ce qu’ils nous confirmeront une fois rejoints.

Hameau de la Gittaz, 64.1km – 278è, 15h21 de course. 30 places de mieux dans la descente. Je ne sais pas ce qu’en dira Franck, qui m’a bien évidemment suivi sans problème, mais je pense qu’on n’a pas fait que enfiler des perles !
La soupe chaude est indispensable tant les conditions se sont dégradées ces dernières heures… Le sauciflard et la tomme passent moins bien qu’en début de journée. Je sens que je suis un peu plus limite ici et cette tente surchauffée n’aide pas du tout. C’est pourquoi finalement nous ne restons pas trop longtemps ici.
11km et 900D+ nous attendent avant le prochain ravitaillement où on doit retrouver Vanessa. En y regardant de plus près, on a même l’impression que tout le dénivelé positif se situe sur les 4 premiers kms directement à la sortie du ravito. Et.. effectivement, c’est le cas !
Montée très, très pénible car exclusivement dans la boue. Heureusement à mi-parcours, on rejoint une piste. On ne monte pas plus vite, mais au moins, on ne s’épuise pas à glisser à chaque pas. Fin de la grimpette encore dans la boue, Franck m’attend depuis de longues minutes dans cette ascension qu’il a fait seul.
Je note par ailleurs, que c’est dans cette montée que j’ai été doublé par une et une seule personne.. depuis le Cormet de Roselend !
Personne que je redoublerai rapidement dans la descente suivante.
En effet, après avoir atteint le Col de la Gittaz, nous apercevons au loin, et en contrebas, ce que nous imaginons être le Col du Joly. On file donc tambour battant en doublant encore une quantité non négligeable de personnes avant de nous apercevoir qu’il va falloir de nouveau réenclencher le mode marche et le planté de bâtons. Ca nous agace, nous ne comprenons même pas pourquoi ils nous font passer là, d’autant que la météo est passée du mode galère mais acceptable au mode euh… Très compliqué, on va dire. C’est le moment aussi de sortir les frontales. Indispensables maintenant.

Les éclairs redoublent de puissance, ils déchirent le ciel sous une incessante pluie torrentielle en nous éblouissant à chaque instant, en nous faisant grimper le palpitant à tout moment. Jusqu’à un point où j’ai réellement été effrayé lors d’un bruit fracassant qui semblait nous tomber dessus.
Nous sommes 6 à cet instant, Franck répète depuis un moment qu’il ne faut pas rester groupés, que c’est plus dangereux encore. Les deux gus devant nous ne s’écartent pas, et impossible de les doubler ; nous sommes au pied de l’Aiguille de Roselette sur des chemins abrupts techniques, plus encore avec la pluie gorgeant les chemins d’eau.
Enfin, nous pouvons les doubler, je sens Franck énervé, il part. Je ne parviens pas à suivre son tempo, c’est le déluge, j’en ai marre. Je suis trempé, j’ai froid,.. J’ai peur, clairement.

Je suis seul maintenant, j’avance comme je peux et me dis que ces télésièges sous lesquels nous devons passer seraient de parfaits paratonnerres.. Ca me rassure encore moins. Chaque nouvel éclair me glace le sang – qui n’était déjà pas spécialement chaud.. – et l’arrivée au Col du Joly est longue, très trèèèèèès longue……………. On distingue même difficilement le balisage, une pataugeoire géante, pataugeoire dans laquelle je n’amènerais pas mes enfants (!)

A mon entrée dans la tente, j’entends la chef de poste s’égosiller au talkie-walkie en disant qu’ici, c’est la folie, les gens sont frigorifiés, qu’elle n’a plus de couvertures à leur offrir, qu’il faut trouver des solutions, prendre une décision !
Col du Joly, 75.1km (79km et qq à ma montre qui a presque tenu le coup jusque là) – 208è, 17h55 de course.
Classement assez incroyable depuis le précédent ravitaillement mais ce qui m’importe à ce moment-là, c’est de me changer. Je retrouve Vanessa et Franck (qui s’excuse d’être parti devant.. no problemo, copain !!), quel soulagement, je vais retrouver des fringues sèches, un k-way et un peu de réconfort. Car là clairement, depuis plusieurs minutes, je me dis que c’est la fin, soit de mon propre chef, soit du fait d’une décision de l’organisation, qui serait une sage décision.
10 minutes après mon arrivée, et alors qu’ils empêchaient les coureurs de repartir depuis plus de 30’ apparemment, le couperet tombe, « COURSE STOPPEE ».
J’attends une réaction d’un quelconque hurluberlu qui râlerait pour repartir mais non, personne ne dit rien. Bravo les gars, franchement, c’est devenu trop dangereux. Soulagement aussi de mon côté. On termine malgré tout avec le sourire et une photo un peu décalée, olé !

Nous terminerons cette folle journée autour du repas de fin de course et avant de nous rendre compte que nous n’avons pas droit aux cadeaux finishers… Incompréhensible ! Double peine pour nous qui n’avons pas pu aller au bout d’une course dans laquelle on s’était investis, et qui ne nous donne même pas, un lot de consolation.
Très clairement, ce t-shirt, je m’en fous, mais pour le principe, j’aimerais comprendre.

Belle organisation néanmoins (le scan des dossards avec les GSM est à revoir, laborieux..), dommage de partir sur une si mauvaise note.

Une réponse à “Ultra Tour du Beaufortain”

  1. Malgré une fin écourtée, j’ai acquis une nouvelle expérience en ta compagnie, c’était top !!
    J’imagine que tes problèmes de batterie et de blouson seront à ranger dans les anecdotes maintenant… ????
    J’ai beaucoup de regret au niveau du classement quand je vois ta remontée faite et celle qui était à venir au vu de ta forme mais la sécurité exigeait cet arrêt.
    Désolé de m’être sauvé mais j’étais vraiment énervé sur la fin… ???? à bientôt l’ami

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *